Réflexions
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III Réflexions

William frappa plusieurs fois sur la porte, de toutes ses forces.
— Bon sang ! C'est impossible ! Il était attaché, il n'a pas pu ouvrir la fenêtre pour s'échapper ! Avait-il des complices qui sont venus le libérer ? Qu'en penses-tu Irè-

Il s'arrêta. Voilà qu'il commençait à parler tout seul. Il allait devoir s'habituer, maintenant qu'Irène était morte. Il avait à peine eu le temps de s'attacher à elle et de commencer à la connaître. La pauvre… Il se mit à fouiller la pièce ; aucune trace de Phelps, aucun objet pouvant servir d'indice. William s'énervait vite et il ne trouvait toujours rien après avoir cherché dans toute la pièce. Il éteint même les petites flammes restantes dans la cheminée dans l'espoir de trouver quelque chose qui aurait été caché là.
Sa patience l'abandonnait peu à peu. William hurla et frappa dans le mur. Il prit une grande inspiration et s'asseya sur le lit en regardant par la fenêtre. Il devait réfléchir, et vite. Phelps était sûrement déjà loin, et plus il perdait du temps dans cet endroit, plus Phelps s'éloignait.

Pourquoi les enfants, et pourquoi Irène ? Quel était le rapport ? Pour le moment, il n'avait qu'une hypothèse en tête : c'était deux cas différents. Il y avait des personnes qui étaient là pour les enfants et d'autres qui étaient là pour Irène. Ceux qui ont enlevé les enfants, c'était sûrement ces personnes qui étaient à la morgue. Dans le meilleur des cas, les enfants avaient disparus, dans le pire, ils étaient morts. William avait déjà plusieurs hypothèses sur ce qu'était en réalité cette "morgue" mais il y penserait plus tard. Il devait trouver Phelps. Qu'avait fait Irène ? Peut-être possédait-elle quelque chose… William avait une nouvelle hypothèse. Irène possédait l'entreprise du vieux William qui avait lui même été tué. Était-ce pour ça ? Rien n'était sûr, mais c'était probable. Était-ce vraiment pour ça qu'elle avait été tuée ? Était-ce une raison valable pour tuer quelqu'un ? Qu'avait-elle de si spécial, cette entreprise ?

Les questions devenaient de plus en plus nombreuses, mais William parvint finalement à quelque chose. L'entreprise du vieux était une entreprise de friandises et de jouets pour enfants. Des enfants… peut-être que les responsables du meurtre d'Irène étaient également les responsables des disparitions, finalement. Mais si c'est le cas, pourquoi voulaient-ils l'entreprise ? William avait encore une fois plusieurs hypothèses, mais sa patience était à bout, et il ne parvint plus à réfléchir. Tout ça n'avait strictement aucun sens. Il ne voulait pas demander de l'aide à Scotland Yard, ils devaient déjà recevoir des tas d'enfants se plaignant de la disparition d'un morceau de pain. Et puis que leur aurait-il dit ? Qu'il s'était reveillé dans une morgue qui n'en est sûrement pas une et dont le personnel est probablement responsable d'enlèvements et de meurtres ? On le prendrait pour un fou. Il était bloqué. Il recommençait à hurler afin d'évacuer la pression. À partir de maintenant, il se retrouvait seul, il allait devoir se débrouiller sans Irène.

Il avait longtemps réfléchi et il était épuisé. La tempête s'était arrêtée. Il se leva du lit pour se diriger vers la pièce où se trouvait Irène. Lorsqu'il arriva dans la pièce, son corps n'était plus là, il avait probablement été déplacé dans un endroit frais par les autres invités. William se dirigea furtivement vers le salon où était maintenant tout le monde. Il écouta la conversation en secret ; les doutes étaient nombreux. Ils commencaient à comprendre que William n'était pas le neveu d'Irène. Il n'en fallu pas plus pour que William se décide enfin à partir, c'était devenu trop dangereux de rester ici, désormais. Il sortit par la porte arrière, située dans la cuisine, puis il se dirigea vers Londres. Il fit le trajet à pied.

Le soleil commençait à se coucher lorsqu'il arriva finalement à Londres. Devait-t-il retourner au manoir d'Irène ? Il prit finalement sa décision et se dirigea vers le manoir, pensant que c'était toujours mieux que de dormir dehors. Il frappa à la grande porte ; le vieux majordome lui ouvrit la porte.

"Tiens, mais c'est William ! Enfin rentrés ? Mais… où est Mademoiselle ?" William balbutia.

— Irène est… elle… elle est… morte.
— Je vous demande pardon ?
— Au manoir… tous les enfants ont disparus et… Irène a été assassinée.
— Mais par qui, voyons ? Comment est-ce possible ? Les autres invités n'auraient rien remarqué ? C'est ridicule, Monsieur !
— Elle était…

William s'arrêta. Il n'y avait même pas pensé, lorsqu'il était au manoir. Que faisait Irène seule dans une pièce à l'étage ? Que devait-t-il dire au majordome ? C'était effectivement ridicule.

— Monsieur ?
— Oh, oui… désolé. Les autres invités n'ont…

Il s'arrêta une fois de plus, puis demanda :

— Écoutez, est-ce que je peux passer au moins la nuit ici ? Je vous raconterai tout ça demain matin.
— Et bien… je suppose que vous pouvez dormir ici cette nuit, mais nous devrons laisser le manoir demain, nous ne pouvons pas rester ici s'il n'y a personne.
— Merci…

William était silencieux tandis que le vieil homme l'amenait à sa chambre. Il tomba sur le lit, épuisé d'avoir autant marché.

Il se remit à réfléchir. Le majordome avait raison. Lorsque William était à la porte, se justifier l'avait rendu plus embarrassé que triste. Tout était ridicule. Sous la colère, il n'y avait pas pensé, mais maintenant, il réalisait. Irène s'est faite assassiner, toute seule, dans une chambre fermée, alors que tous les invités étaient en bas, et personne n'a rien remarqué. Irène n'était pas stupide, elle n'aurait pas suivi un inconnu dans une pièce vide.
Un invité avait dû lui dire quelque chose pour l'attirer dans la pièce. Un invité assez discret pour qu'il puisse se faufiler partout, sans être vu. Un invité qui puisse se lier à la foule qui était devant la porte sans être remarqué. Quelqu'un qu'on ne soupçonnerait pas de meurtre. William n'arrivait pas à se rappeler de tous les invités, il n'en avait vu que quelques uns. Les seuls qui étaient venus le saluer, lui et Irène, était des brutes à la grosse voix, musclés et obèses.
Il se rappelait cependant avoir vu une femme et un homme, très discrets, toujours assis, très maigres et pâles. Ces personnes ont souvent une voix très douce, en plus d'être délicats et gracieux. Si ont devait choisir un coupable parmi tous les invités, les brutes seraient probablement les premières à être désignées par les gens. "Comment ce couple charmant aurait pu faire quoi que ce soit ?" penserait sûrement tout le monde. Couple ? Oui, ça paraissait logique. Mais était-ce eux ? Ça pourrait être n'importe qui ou n'importe quoi… tout est flou. C'est comme si le tueur n'était absolument pas préparé à commettre un meurtre, et qu'il avait fait ça en vitesse. Et pourtant, personne n'a rien trouvé. C'est stupide… que devait dire William au majordome ? C'est… stupide…

Puis William s'endormit.

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