Disparitions
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I Disparitions

Des rouages, encore des rouages, de la rouille, un bruit assourdissant, un fracas, un éclair, un tir, le noir, du sang, une horloge… tout ça en boucle.
William se réveilla en sursaut. Il venait de faire le même cauchemar qu'il faisait toutes les nuits depuis qu'il s'était réveillé à la morgue, même s'il n'avait aucun souvenir des rêves qu'il faisait avant.

Il descendit les escaliers pour retrouver Irène, une femme qui l'avait récupéré alors qu'il dormait dans la rue, n'ayant pas trouvé d'endroit où vivre après les événements de la morgue. Elle vivait seule, mais c'était une noble, aussi gentille que riche. William possédait sa propre chambre et sa propre salle de bain à l'intérieur du manoir. Tout s'était bien passé depuis quelques mois. Irène avait racheté l'entreprise de William Weaver, peu après son décès. Scotland Yard était encore à la recherche du corps. À chaque fois que William entendait cette information, il se sentait mal à l'aise. Il passait à côté d'un détail. Un détail extrêmement important. Mais son esprit était comme bloqué, incapable de comprendre. C'était là, juste sous son nez, mais il n'y avait rien à faire, il abandonnait à chaque fois.

Irène appréciait beaucoup William, mais elle essayait de le cacher aux autres nobles, car la plupart étaient des arrogants irresponsables, se noyant dans leur richesse, incapables de ressentir la moindre gentillesse envers les citoyens et les personnes plus pauvres qu'eux. Bien sûr, il y avait des exceptions, il y en a toujours. Irène en était une, et l'homme qui possédait autrefois l'entreprise qu'elle avait racheté en était une également. Ils vivaient paisiblement, avec quelques difficultés parfois, mais ils ne s'attendaient pas à ce qu'ils allaient vivre quelques mois plus tard.

Alors que tout Londres était encore terrorisé par les crimes de l'Éventreur qui avait fait une quatrième victime, Irène reçu une lettre de Arthur Phelps, directeur d'une compagnie spécialisée dans le polissage de diamants. C'était un homme riche, et il disait vouloir organiser une fête afin d'oublier les tristes meurtres de l'Éventreur et passer une soirée dans la bonne humeur. Cependant, cet homme ne faisait pas partie des ''exceptions''. Irène décida donc de faire confectionner des vêtements pour William et de le faire passer pour son neveu.

Quelques jours plus tard, à quelques heures de la fête, William reçu ses vêtements, un grand manteau noir aux boutons dorés, une chemise blanc cassé, un gilet de costume bleu, rayé de fines bandes verticales de couleur noire, un nœud papillon noir, un pantalon d'un marron très foncé, et des chaussures à grands lacets, cette tenue avait un côté enfantin, mais William l'appréciait. Irène et lui revirent ensemble les bonnes manières à table et la démarche à adopter afin de passer inaperçu, puis ils se mirent en route pour le manoir.

Le Manoir se trouvait à une dizaine de kilomètres de la ville, et la route était boueuse à cause de la tempête ce soir là. Il était impossible de faire demi-tour, même avec un carrosse. Ce n'était pas une ambiance pareille qui allait rassurer William et Irène. Un majordome leur ouvrit la porte, et tous les invités se tournèrent vers eux.

— Mademoiselle la comtesse ! C'est un honneur.
— Dites-moi, qui est cet enfant ?

William balbutia.

— Je… je suis… euh…
— Cet enfant est mon neveu, ne faites pas attention à lui, c'est un enfant timide.
— Je vois ! Je n'étais pas au courant que vous aviez un neveu, mademoiselle.
— Maintenant, vous savez.

William était impressionné. Irène avait un ton beaucoup plus strict et autoritaire quand elle s'adressait aux autres nobles que quand elle s'adressait à lui. Ça ne devait pas être facile tous les jours.
Elle se retourna vers William et lui dit :

« Essaie de faire profil bas tant qu'on sera ici, ou ce sera facile pour eux de se rendre compte que tu n'es pas mon neveu s'ils se mettent à poser trop de questions. »

William acquiesça, puis tout le monde se mit à faire connaissance, tandis qu'il essayait de se faire discret en restant avec les autres enfants.

Le manoir était gigantesque, bien que William n'ait vu que l'extérieur, le hall avait un plafond très haut, avec un lustre extrêmement lumineux et luxueux. Après une dizaine de minutes, Arthur Phelps, l'homme qui les avait tous invités descendit les escaliers et se présenta. Il remercia tous les invités et les fit entrer dans la salle à manger afin de débuter le buffet. Il déclara également qu'il avait pris soin de préparer une salle de jeux pour les enfants qui se trouvait à l'étage, et il demanda à ceux qui souhaitaient y aller de le suivre.

Tous les enfants se précipitèrent vers lui pour le suivre dans la salle de jeux, sauf William. Irène lui fit un sourire angélique, et lui dit d'une voix douce :
« Vas-y, toi aussi. Qui sait, tu pourrais te faire des amis ? »

William n'avait pas vraiment envie, mais il se dit que c'était un bon moyen d'éviter les adultes trop curieux.

Il suivit l'hôte dans une salle de jeux remplie de jouets de toutes sortes, de poupées, et autres. Tout se passait pour le mieux.

Quelques heures plus tard, William était plongé dans ses pensées, mais un énorme éclair le fit sursauter, alors que même les enfants criant et sautant partout autour de lui n'étaient pas parvenus à le faire réagir.

Comme il s'ennuyait, il décida de sortir discrètement de la salle de jeux et d'explorer le manoir. Pendant une vingtaine de minutes, il explorait et admirait l'immensité de la bâtisse dans laquelle il se trouvait. Il avait beaucoup de mal à se repérer.

Tout à coup un énorme bruit de verre se fit entendre à sa droite, en direction de la salle de jeux. William courut pendant environ deux minutes avant de finalement parvenir à rejoindre la pièce devant laquelle se trouvaient maintenant tous les invités. Ils tentaient d'ouvrir la porte qui avait été verrouillée. Irène se sentit rassurée lorsqu'elle vit William courir dans sa direction. Elle lui demanda :

— Mais… tu n'étais pas dans la salle de jeux ?
— Euh… j'étais… parti aux toilettes.
— Et… les autres enfants ? Tu es parti depuis combien de temps ?
— Je me suis perdu, alors je suis parti depuis… une vingtaine de minutes.

Irène poussa un soupir nerveux. Elle était rassurée que William soit sain et sauf, mais elle s'inquiétait des autres enfants qui ne répondait pas à l'intérieur de la pièce.
Finalement, quelqu'un réussit à enfoncer la porte. William se précipita dans la pièce. À terre, une petite fille blonde, à peine âgée d'une dizaine d'années, le ventre ouvert, vidé de tout organe. Debout, dans la pièce, un homme, du sang plein les mains, avec un revolver. Il n'y avait qu'eux, les autres enfants avaient disparus, et la fenêtre avait été brisée. L'homme encore debout mit le revolver sur sa tempe, et appuya sur la gâchette. Sa cervelle gicla sur le visage de William.

Il y eut un long silence, puis William s'appuya contre le mur pour vomir, sa vision devint trouble, puis il tomba par terre et s'évanouit.

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