Départ
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IV Départ

"C'est chaud…"

William baissa les yeux pour apercevoir du sang qui coulait à ses pieds. Il devenait de plus en plus chaud jusqu'à en devenir brûlant.
Il grimpa sur une étagère afin d'échapper au liquide poisseux qui inondait la pièce.
Lorsqu'il releva la tête, il vit Irène qui flottait en le fixant. Ses yeux étaient vides, terrifiants. Lorsqu'il croisa son regard, le cœur de William s'arrêta pendant une seconde. Il voulut l'appeler mais il fut submergé par le sang brûlant qui avait déjà rempli la pièce. Il ne pouvait plus respirer et sa peau brûlait. Il se sentait partir, puis il se réveilla en sursaut. Il souffla :
"Je fais beaucoup trop de cauchemars ces temps-ci…"

Il se leva doucement, encore à moitié endormi ; ses jambes encore engourdies le laissèrent tomber sur le sol. Il se releva en grognant, puis patienta un instant pour bien se réveiller, pensant déjà à ce qu'il allait pouvoir dire au majordome. Lorsqu'il fut bien réveillé, il se dirigea vers l'armoire et prit les vieux vêtements qu'il avait gardé ; ceux de la morgue.
Puisqu'il allait retourner à la rue, il lui fallait passer inaperçu. Il prit soin de fouiller les tiroirs et de remplir ses poches d'objets de valeur et de pièces "au cas où".

C'était l'heure de son dernier repas au manoir d'Irène. Il s'empressa de descendre les escaliers, le petit déjeuner était servi et le majordome attendait assis à la table. - C'était la première fois que William le voyait assis. - Comprenant qu'il souhaitait des explications, William lui conta l'histoire en mangeant, du début à la fin, sans oublier un détail.
Après environ une heure, William avait fini de manger et avait terminé son récit.
Le majordome brisa le silence qui s'était installé depuis quelques minutes :
— Donc, si j'ai bien compris, les enfants se sont fait enlever, et un homme s'est suicidé sous vos yeux.
— Pour faire court, oui.
— Très bien, j'arrive à suivre jusqu'ici ; ça ressemble à un crime "ordinaire", si on met à part le suicidé. Mais je ne comprends absolument pas ce qu'il s'est passé ensuite, Monsieur. Vous dites que Mademoiselle se trouvait dans une pièce quelconque, toute seule, et a été tuée ? Et c'est tout ? Pourquoi était-elle toute seule ? Deux crimes en une seule nuit ? Et qui aurait fait ça ? C'est absurde.
— Je suis désolé, mais je ne sais pas moi même. Je sais que ça peut paraître stupide, mais peut-être que les deux crimes sont liés ?
— Cela me paraît peu probable.

Il y eut un léger silence.

— Oui, vous avez raison… Quoi qu'il en soit, je dois partir. Je ne peux plus rester ici, désormais.
— Oui… en effet… et nous non plus.

Tous deux s'arrêtèrent. Ils étaient dans la même situation. Après un certain temps, le majordome se leva sans un mot, dit au revoir à William, puis s'en alla dans les cuisines.
William, lui, restait là, silencieux. L'hiver approchait, et il allait devoir partir. Il allait sûrement devoir utiliser bien vite l'argent qu'il avait pris pour s'acheter des vêtements chauds. Pas question de se faire voler tout ça. Il allait devoir trouver un endroit tranquille pour éviter les vols.
Après environ un quart d'heure, il s'en alla du manoir sans un mot. Il devait rapidement trouver un endroit où dormir avant la nuit. Une fois de retour à Londres, il se sentit nostalgique. Toute cette vie et cette agitation lui avaient manqué. Les boutiques, les carrosses, les riches et les pauvres, il sentait ses yeux briller. C'était comme s'il redécouvrait la ville. Sans perdre plus de temps, il se mit à la recherche d'une ruelle isolée où il serait à l'abri des malfrats.

La nuit tombait, et il ne lui restait plus beaucoup de temps, alors il choisit une ruelle isolée quelconque, pensant que ça suffirait pour la nuit.
Il décida de dormir assis, derrière un tonneau. Les heures passèrent, mais il ne parvenait pas à dormir, le sol n'était pas confortable, et il avait perdu l'habitude de dormir dans la rue. Il attendait que la fatigue vienne pour l'endormir, car ça n'allait pas être le sol qui le ferait. Ses yeux commençaient enfin à se fermer lorsqu'un gros bruit surgit à l'autre bout de la ruelle.
Il sursauta. Il était à la fois effrayé et énervé ; il resta silencieux pour ne pas se faire repérer. Il n'osait même pas jeter un œil par dessus le tonneau.

Des bruits de pas se firent entendre, des pas légers. Ce n'était sûrement pas quelqu'un de lourd, ou alors il marchait doucement. Peut-être que cette personne essayait de rester discrète aussi. Les pas se rapprochaient, William n'osait même plus respirer. Il ne voulait plus faire le moindre bruit. La faible lueur éclairait mal, et l'ombre projetée sur le mur était trop floue pour distinguer la carrure de la personne qui se trouvait maintenant juste derrière les tonneaux. William ferma les yeux, crispé.

Une petite voix douce le fit immédiatement se détendre.

"Tiens, salut !"

Il rouvrit les yeux pour voir une petite fille âgée d'une dizaine d'années.

"Moi, c'est Clover ! Et toi, tu es qui ?"

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