Les Origines
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I Les origines

Sir William, assis sur son fauteuil, se reposait comme à son habitude dans son manoir. Il avait toujours vécu dans le confort, avec des domestiques à ses côtés. Bien sûr, une personne comme lui avait beaucoup d'ennemis, comme toutes les personnes un peu trop aisées dans la société. Il se demandait d'ailleurs pourquoi. Les personnes qui le méprisaient étaient bien souvent des paysans et des citoyens jaloux, ou des concurrents de son entreprise. Peu étaient les enfants qui ne l'aiment pas. C'était bien souvent le contraire ; beaucoup l'adoraient car il était producteur de jouets et de friandises pour enfants. Il ne passait plus inaperçu dans la rue et devenait de plus en plus connu. En fait, il prospérait. Il se sentait heureux, et, pour lui, c'était les meilleures années de sa vie. Il avait pourtant déjà plus de soixante ans, mais il se sentait jeune et libre. Cela n'avait pas duré plus de quelques années.

Un jour, William se leva de son lit. Il prit son petit déjeuner, se fit habiller par son majordome, il mit sa bague et prit sa canne. Il arracha une feuille du calendrier. "Douze Juin Mille huit cent quatre-vingt-huit". Un sourire au lèvres, il décida d'aller marcher un peu. Tandis qu'il marchait avec difficulté sur ses vieilles jambes à l'aide de sa canne, il était pensif. Finalement, avait-il bien vécu ? Bien sûr, faire plaisir aux enfants avait été une passion pour lui, c'était un peu comme le sentiment d'être grand-père. Mais il n'avait pu voir le visage que d'une infime partie de ces enfants. Il n'avait jamais eu d'enfant lui-même non plus. Mais il se dit que c'était une mauvaise idée de penser à cela. Alors, oubliant tous ses soucis et vidant son esprit, il marcha sous les arbres d'un parc. L'allée ressemblait à un couloir sans fin, il avait l'impression qu'il pourrait marcher des heures tant cette simple allée lui semblait immense. Pourtant, les passants semblaient avancer extrêmement rapidement. Très vite, il se rendit compte que quelque chose n'allait pas. Regardant sa montre, il se rendit compte que les aiguilles avançaient rapidement, et de plus en plus. Il fit nuit, puis jour, et les deux passaient bientôt si vite que la lune et le soleil n'étaient devenus que des lumières déchirant le ciel, changeant sa couleur. Les nuages passaient, et disparaissent ; les saisons changeaient, la verdure plus foncée, et les feuilles qui tombaient, la neige, la floraison. Ensuite, plus rien. Le noir complet. Le néant. Puis il entendit le son succinct des cloches. Puis elles revenaient, chaque fois plus longtemps et sonnaient de plus en plus fort, jusqu'à devenir un bourdonnement continu, comme une vibration, si forte que c'était comme si sa tête allait exploser.

… "Monsieur ?"



"Monsieur !"

Le vieux William ouvrit ses yeux, haletant pour avoir ne fût-ce qu'un peu d'air, paniqué.

— Monsieur, calmez-vous !
— Où… où suis-je ?
— Au Hyde Park, Monsieur. Est-ce que tout va bien ? Vous aviez arrêté de respirer, quand vous êtes tombé, vous savez ?
— Tombé… ? Écoutez, je… Merci. Vous pouvez partir brave homme, je… je vais rentrer chez moi… Il vaut mieux.

Confus, il se toucha le crâne, encore sensible.

Il décida de rapidement faire demi-tour, inquiet de ce qui venait de se passer.

De retour chez lui, il se fit préparer un thé par son majordome. Il était pensif. Il trouvait cette hallucination étonnement réelle. Avait-elle été provoquée par le coup sur son crâne lorsqu'il était tombé, ou était-il tombé à cause de cette hallucination ? Était-ce ce qu'on voyait lorsque la mort approchait ? Il n'avait jamais été autant effrayé de toute sa vie. Il avait presque cru être mort là-bas. Il était si concentré qu'il sursauta quand son majordome vint toquer à la porte de son bureau. Quand la porte s'ouvrit, le majordome poussant le service à thé s'écroula sans un mot, emportant dans sa chute quelques tasses qui se brisèrent au sol. William ne tarda pas à se précipiter vers le pauvre majordome, mais il était déjà mort. Un grand couteau de cuisine était planté en plein milieu de son dos. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Un des cuisiniers aurait-il perdu la raison ? Il fallait réfléchir, et vite. Le majordome ne pouvait pas avoir poussé le service à thé jusqu'ici avec un couteau planté dans le dos. Le tueur avait agit très récemment, peut-être même juste avant que la porte ne soit ouverte, et il ne pouvait pas être bien loin. Il devait encore être à cet étage. William prit son fusil. Il était peut-être âgé, mais il n'avait pas oublié comment se servir d'une arme à feu.

L'adrénaline lui fit oublier la douleur dans ses jambes tandis qu'il marchait sans sa canne, comme à ses vingt ans. Alors qu'il fouillait l'étage, il tentait de ne pas se faire entendre, ouvrant les portes très lentement tout en regardant derrière si personne ne s'y cachait, cherchant dans tous les placards de chaque pièce. Personne. Le coupable s'était-il faufilé derrière lui lorsqu'il inspectait une pièce ? S'il était retourné au rez-de-chaussée, il avait probablement eu le temps de tuer tous les domestiques. Il se précipita vers la cuisine. Lorsqu'il ouvrit la porte, la première chose qu'il vit était un homme couvert d'un mélange de boue et de sang. Il n'était pas arrivé à temps : l'homme en face de lui venait de tuer le dernier domestique du manoir. Elle était encore en vie avec un poignard planté dans la gorge, regardant William avec des yeux plus tristes qu'il n'en avait jamais vus. Elle voulait rester en vie. Mais elle s'écroula au sol lorsque le fou qui venait de l'assassiner retira le poignard qui était resté dans sa gorge. Le vieil homme n'hésita pas un seul instant et tira une balle dans le crâne de l'assassin. Se précipitant au sol pour tenter de sauver la pauvre domestique, il réalisa très vite qu'il était déjà trop tard. Elle était déjà morte, tout comme le majordome et tous les autres. Tout à coup, un énorme fracas se fit entendre juste devant lui. Relevant la tête, il vit très vite que l'homme qu'il venait de tuer n'était pas seul, ils étaient au moins deux. Une équipe de tueurs engagés par quelqu'un ? Il n'eut pas le temps de récupérer son fusil qu'il ressentit une immense douleur à l'arrière de son crâne pendant une seconde. Ensuite, tout était devenu noir. C'était fini.

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